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Propos sibyllins, diabolisation, mystification Quand l’«Islamisme» se convertit au machiavélisme

(Le Temps, Tunisie 28 sep 13)Rien n’est plus menaçant et plus dégradant pour la vie politique que le recours à des moyens malsains tels que le subterfuge, la perfidie et le mensonge.

Là, on entre de plain pied dans la sphère du machiavélisme où tous les moyens sont bons pourvu qu’on parvienne à ses fins. C’est justement la voie qu’emprunte le parti de la majorité pour lequel la seule et unique préoccupation, dans cette tourmente qui n’épargne aucun secteur de la vie, c’est l’innovation des méthodes et leur multiplication à l’infini en vue de gagner encore plus de temps en allant du double discours au langage abscons en passant par les rétractions et les diversions dont la dernière en date est celle relative au « jihad du sexe » pratiqué en Syrie par de jeunes filles tunisiennes. A ce propos, le ministre de l’Intérieur n’a rien trouvé d’intéressant à nous dire concernant les auteurs des crimes abominables qui sèment la terreur parmi les Tunisiens et a jugé bon de nous « rafraîchir » la mémoire par la rétrospection en nous parlant d’un ancien dossier sans nous en révéler pour autant les coupables, ceux qui ont monté ces réseaux criminels.
Charte déontologique
On pourrait nous rétorquer que la politique n’a pas de morale, on en convient, mais il s’agit là d’une formule générale dont le champ d’application varie en fonction des circonstances, en ce sens que l’usage qu’on en fait n’est pas permis en toute conjoncture, et spécialement, en période révolutionnaire où on ne pourrait bâtir le nouvel Etat et la nouvelle société de demain que sur la base de la confiance, de la bonne foi et de la transparence. D’ailleurs, pour les politiques dignes et qui éprouvent du respect envers leur pays et leurs concitoyens, l’immoralité est quelque chose de répréhensible et de condamnable qu’ils radient de leur registre même en temps normal. Il est légitime d’opérer des changements tactiques pour un meilleur positionnement, mais cela ne devrait pas être fait aux dépens des valeurs morales communément admises, ni sur le compte de l’intérêt suprême de la patrie d’autant plus quand elle passe par des moments très difficiles où tout un chacun est appelé à consentir des sacrifices et à reléguer son égo au dernier plan. Un parti politique qui se respecte devrait avoir une ligne de conduite bien définie et agir conformément à un ensemble de principes qui permettraient de l’identifier et de l’opposer à d’autres. Cela fait des mois que la crise économique et sociale bat son plein dans notre pays à cause du blocage politique, et Ennahdha ne bronche, toujours, pas et ne daigne pas bouger le petit doigt pour donner l’impression qu’elle s’inquiète, vraiment, de cette situation très critique qui risque, selon les spécialistes en économie et même quelques uns des responsables gouvernementaux à l’image du gouverneur de la banque centrale, de devenir chaotique dans les quelques semaines à venir s’il n’y a pas déblocage au niveau politique. Le gouvernement et l’ANC continuent à travailler normalement faisant comme si de rien n’était sans se soucier le moins du monde de la crise politique qui sévit et dont les retombées commencent à se faire sentir dans tous les domaines de la vie: le premier élabore des projets à moyen et long termes comme s’il allait gouverner encore pendant de longues années, et la seconde se comporte comme un vrai parlement en légiférant des lois telles que celle se rapportant à l’établissement d’une zone franche entre la Tunisie et la Turquie.
La mystification flagrante
Tout ce que fait le parti de la majorité gouvernementale c’est de démentir tout ce que disent les autres et de les accuser de ce qu’il est en train de faire lui-même, à savoir l’atermoiement et le gain de temps. Et cette fois-ci, il innove en usant d’un nouveau procédé : des propos sibyllins, et n’épargne plus l’UGTT et ses associés, comme il l’a toujours fait jusqu’ici, auxquels il reproche leur soi-disant parti pris rien que pour avoir, enfin et après une patience excessive, appelé les choses par leurs noms en désignant du doigt avec précision et sans détour la partie qui refuse d’accepter leur initiative, qui rejette, donc, tout dialogue et tout consensus et qui veut pérenniser la crise et l’aggraver et sacrifier le pays sur l’autel de ses ambitions, qui n’ont pas de limites, et de leur soif de pouvoir jamais assouvie. En fait, le communiqué d’Ennahdha n’a rien d’obscur, son contenu et sa rédaction son très clairs et ne prêtent pas à confusion, le quartette n’a rien interprété et s’est limité à constater des vérités écrites noir sur blanc et dont les auteurs veulent forcer le sens et donner, ainsi, le change à l’opinion publique nationale en s’obstinant à soutenir que c’est eux qui ont accepté ladite initiative et non pas le Front de Salut et que l’UGTT et les trois autres parrains du dialogue national ont déformé leur position et se sont rangés du côté de ce dernier. Le communiqué contient un sophisme flagrant en affirmant dans le préambule ce qu’on infirme dans le corps du texte. Il s’agit là d’une mésestime de la part des dirigeants de Ennahdha de l’entendement des Tunisiens et de leur capacité à discerner le vrai du faux. Car, on n’a pas besoin d’être connaisseur en politique pour saisir leur position vis-à-vis de l’initiative du quartette dans toute sa dimension : leur refus de celle-ci ne fait pas l’ombre d’un seul doute, puisqu’ils en rejettent l’élément essentiel et qui en constitue la pierre angulaire, à savoir la démission du gouvernement qu’ils soumettent à deux conditions sine qua non: le parachèvement de la rédaction de la constitution pendant une période n’excédant pas les trois semaines et la détermination d’une date pour les élections ne dépassant pas les six mois. C’est seulement à ce moment-là que l’actuel gouvernement serait dissous et qu’on se mettrait d’accord sur la constitution d’un autre.
Incitation implicite à la violence
Une telle thèse n’a rien à voir ni de près, ni de loin avec ce que les quatre associations ont proposé et qui ont dû apporter quelques modifications au texte initial de leur initiative en accordant, d’une part, encore quelque temps au gouvernement et en se contentant pour le moment de l’acceptation du principe de sa dissolution, et en consentant, de l’autre, à laisser à l’ANC la plénitude de ses prérogatives constitutives. Le Front de Salut a envoyé une lettre aux parrains du dialogue national, en date du 20 septembre, pour les informer de leur acceptation inconditionnelle de leur initiative. Et malgré ces concessions de part et d’autre, Ennahdha refuse à concéder quoi que ce soit et s’obstine à prétendre le contraire mystifiant par là l’opinion publique et montant ses partisans contre ses adversaires politiques et aussi contre l’UGTT et en particulier contre son secrétaire général, Houcine Abassi, qui subit une avalanche d’attaques, de calomnie et d’injures. Cette attitude, qui envenime l’atmosphère sociale déjà électrique, est à assimiler à ces propos tenus par des ulémas dans les mosquées incitant à la violence et à la haine. Ce n’est pas de cette façon qu’on devrait se comporter quand on a peur pour la transition démocratique comme l’a prétendu M Samir Dilou, avant-hier, sur Nessma, ni en faisant appel à Hamed Karoui, le grand ministre de Ben Ali, en l’invitant à constituer un parti destourien espérant ainsi récupérer le plus grand nombre possible des partisans de Nida Tounes et suppléer à l’absence d’un allié de l’envergure de ce dernier dont le président, M Béji Caïd Essebsi, refuse d’acquiescer aux caprices du parti au pouvoir et reste solidaire avec ses partenaires au sein du Front de Salut. Toutes ces manigances de la part des dirigeants de Ennahdha sont faites dans l’intention d’asseoir leur pouvoir actuel et de s’assurer les résultats des élections à venir. On ne dira jamais assez : ces dernières ne pourraient se dérouler qu’en la présence de conditions favorables où tous les partis politiques et tous les candidats seraient mis sur un pied d’égalité, et c’est, justement, l’une des vocations du gouvernement de compétences. Ce n’est certainement pas avec les nominations massives dans l’administration et la mainmise sur les rouages de l’Etat qu’on pourrait atteindre cet objectif et organiser des élections qui soient vraiment libres, transparentes et honnêtes, c’est-à-dire démocratiques. Les tenir dans les conditions actuelles comme le veut Ennahdha, c’est en falsifier les résultats à l’avance. Le peuple ne prend plus les déclarations officielles de ceux qui le gouvernent pour argent comptant, il s’est, foncièrement, métamorphosé depuis le 14 janvier et surtout après le 23 octobre 2011. Quand est-ce que ses dirigeants politiques vont lui emboîter le pas et changer de mentalité et surtout apprendre à le respecter?
Faouzi KSIBI

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